Les gunas dans le yoga

Vous avez sûrement entendu parler des gunas, surtout si vous avez lu précédemment mon article sur le Samkhya, Le Samkhya : une cosmogonie de l’Univers …. Les gunas sont un élément important pour comprendre le monde et par conséquent se comprendre, se lire.

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Définition des gunas

Dans le lexique sanskrit, le sens premier de guṇa désigne le « fil » ou la « corde », plus précisément la corde d’un arc ou d’un instrument de musique . Un usage abstrait de ce mot peut se traduire par « qualité », soit au sens objectif de « propriété » ou « attribut », soit au sens subjectif de « mérite » ou de « vertu » (source wikipédia).

Les gunas : sattva, rajas, tamas

Les gunas sont au nombre de 3. Ce sont les qualités primordiales résidant en toute chose. SATTVA a pour fonction de manifester, RAJAS d’activer et TAMAS de limiter et d’obscurcir. Sattva révèle l’Etre (SAT), TAMAS s’oppose à cette révélation et RAJAS est la force par laquelle les obstacles sont surmontés.

Ils ne sont jamais séparés. Autrement dit, en toute chose et en tout humain, excepté le PURUSHA, il y a une combinaison des gunas. C’est le jeu incessant des gunas qui va créer le monde manifesté du Samkhya.

Les "qualités" des gunas

Les qualités des gunas sont énumérés au karika (= vers) 12 et 13 du Samkhya 
Les trois Guna, Sattva, Rajas, Tamas, sont respectivement :
– joie, souffrance, torpeur, dans leur nature,
– révélation, mutation, obstruction, dans leur motivation.
Chacun d’eux, dans son action,
– tend à modifier les autres,
– est dépendant des autres,
– donne naissance au mouvement des autres,
– est indissociable des autres.

Sattva tout en se fondant sur l’activité (rajas) et la contrainte (tamas), sert à illuminer rajas et tamas; rajas tout en se fondant sur l’illumination et la contrainte, sert à activer sattva et tamas ; tamas, tout en se fondant sur l’illumination et l’activité, sert à retenir sattva et rajas.

Sattva est léger, révélateur, agréable.
Rajas donne l’impulsion, il est mobile.
Tamas est lourd et opaque.
Ils agissent ensemble, à la manière d’une lampe à huile, pour répondre à une nécessité.

La lampe, lourde, qui contient l’huile, reste stable sur le sol, inerte dans sa nature tamasique. L’huile, dont les propriétés sont le mouvement par l’écoulement du liquide, symbolise la qualité rajasique. La mèche, en pur coton blanc, illustre sattva. L’interaction de ces éléments produit la flamme.

 

SATTVA est associé à perfection, la lumière, le bien, le bonheur, la légèreté. Il est associé à la couleur blanche. Sattva apporte la clarté, la vision intérieure et la connaissance.

RAJAS, de couleur rouge, est la source de toute activité, la force et le dynamisme, le mouvement. Rajas est le pouvoir de l’action. A travers Rajas, c’est le pouvoir de l’imagination qui se manifeste, projette des idées fausses et déforme les perceptions.

TAMAS, de couleur noire, est la résistance à toute activité, l’indifférence, l’ignorance et l’apathie. Tamas est le pouvoir de la matérialisation

Dans le monde végétal et animal, tamas surabonde. La condition humaine est menée par rajas. Nous agissons sans cesse, mus par nos passions. Sattva règne au royaume des dieux !

On retrouve les gunas dans les trois aspects de la Trimurti :

Brahma, le principe de création, apporte le mouvement et est donc en lien avec rajas. Vishnu, en charge de la conservation et de la préservation de ce qui a été créé, est assimilé à sattva. Shiva,le destructeur, est associé à tamas.

On trouve dans la Mandukya Upanishad un passage sur le mantra Om et les gunas  : dans l’état de veille, c’est sattva qui prédomine, les pensées étant claires. Dans l’état de sommeil profond, la torpeur engourdit l’esprit sous de l’excès de tamas. Les phases de rêve correspondent à l’activation de rajas,  à une étincelle de mouvement pendant le sommeil. L’état turya (état quatrième) est au-delà des trois états de conscience ordinaire. Lorsque l’on est dans ce sommeil-conscient, on est au-delà des limitations des gunas. On atteint un état sattvique, ce que recherche le yoga, la libération kayvalya des jeux des gunas.

 

Gunas et ayurveda

En ayurveda, les gunas ont donné naissance aux doshas : vata, pitta, kapha. Attention ! Vata n’est pas sattva. Par contre, pitta sera assimilé à rajas et kapha aux propriétés de tamas.

A la naissance nous avons notre prakriti (souvenez vous prakriti et purusha du Samkhya) qui va se déséquilibrer pour donner lieu à vrkriti.

Petit aparté sur “vr” : Connaissez vous la définition de yoga dans les yoga sutra de Patanjali “Yoga citta vrtti nirodah”. C’est ce qui est détournée de sa direction. Je me souviens dans mes heures de philosophie du yoga, le professeur disait que “vrit” cela avait donné vrilles et vertige en français.

Pour l’ayurveda, les gunas sont :

  • rajas, actif, crépuscule ;
  • tamas, passif, obscurité, nuit ;
  • sattva, neutre ou équilibrante, lumière, jour.

Deux lois régissent les gunas :

  • l’alternance (ces trois forces s’affectent mutuellement) ;
  • la continuité (lorsque l’une de ces qualités est dominante elle le reste un temps déterminé).

L’ayurveda va chercher les causes du déséquilibre pour tenter de revenir à cet état initial. Ce qu’il faut savoir, c’est que l’espace et le temps sont eux mêmes soumis aux jeux des doshas / gunas. Ce qui nous ramène à la manifestation du monde telle qu’elle a été présentée par le Samkhya (lire ici sur la cosmogonie du Samkhya).

L’ayurveda considère par exemple que la maladie, surtout chronique est la conséquence d’un état tamasique, d’une accumulation de toxines dans le corps et de pensées et émotions négatives au niveau de l’esprit.

Rajas est la force, le mouvement qui permet de passer d’un état tamasique à un état sattvique (ou l’inverse).

Sattva permet aux sens d’être ressentis par les organes sensoriels.

Rajas permet l’action des organes moteurs et Tamas crée l’expression des 5 éléments.

Les gunas alimentent les éléments :

  • l’éther vient de sattva (clarté)
  • le feu vient de rajas (énergie)
  • la terre vient de tamas (inertie, la masse)
  • l’air vient de sattva et de rajas (légèreté et mouvement)
  • l’eau est composée de rajas et de tamas (mouvement et inertie)

Ces qualités bien souvent se mélangent ouvrant ainsi un champ plus large de possibilités comme sattva rajasique, sattva tamasique, rajas sattvique…

Surtout ne concluez pas, parce que vous “êtes” kapha, que vous êtes l’archétype de l’apathique. Que toute transformation / évolution sera impossible ! J’ai fait longtemps cette erreur. Par contre, intéressez-vous à votre environnement. Je vois, quand je commence à me mettre en colère, le mouvement opéré en moi : rajas. Quand je suis fatiguée, tamas. Pendant la méditation, une approche de sattva.

Ces gunas, on les sent aussi dans les saisons: tamas en hiver, rajas au printemps, sattva en été !

Bref, enrichissez vous des gunas. Acceptez qui vous êtes et entrez ensuite en introspection. C’est cela que les textes préconisent !

Les gunas dans les grands textes du yoga

On trouve les gunas dans le SAMKHYA, la Bhagavad Gita et les Yoga Sutras de Patanjali.

Le Samkhya

Le Samkhya est un inventaire analytique des tattvas (lire ici) qui constituent tout ce qui existe. Ces tattvas sont issus du jeu des gunas. Le but du Samkhya c’est d’expliquer comment l’homme va pouvoir se libérer de la souffrance due à l’ignorance de la vraie nature de l’Esprit. Pour simplifier, le SAMKHYA propose une explication de la création du monde manifesté et grossier (c’est à dire le monde et nous, les bonhommes, qui vivons dedans) et des souffrances de ce-dit monde. Le vrai bonheur consiste à se rendre compte des leurres constitués par des objets extérieurs et à mener une introspection intérieure  pour revenir à l’état initial du Purusha, la Pure conscience, l’homme étant le microcosme du macrocosme. Le sage libéré devient un gunatita, celui qui a transcendé les 3 gunas et atteint moksha la libération. Il demeure dans sa nature essentielle qui est existence, connaissance, béatitude : sat, chit, ananda.
Il habite dans son propre Soi au milieu des changements, il garde un même état d’esprit de calme et d’équilibre.

La Bhagavad Gita

Dans la Bhagavad Gita, chapire 14, Krishna dit à Arjuna “D’entre eux, sattva, par la pureté de sa nature, est une source de lumière et d’illumination, et par la vertu de cette pureté ne cause en la nature ni maladie, ni morbidité, ni souffrance ; il enchaîne par l’attachement à la Connaissance et par l’attachement au bonheur, ô toi sans péché. Rajas, sache-le, a pour essence l’attrait de l’affection et du désir, c’est un enfant de l’attachement de l’âme au désir des objets. Par l’attachement aux œuvres, ô Kaunteya, il enchaîne l’esprit incarné. Mais tamas, sache-le, né de l’ignorance, est ce qui leurre tous les êtres incarnés ; il enchaîne par la négligence, l’indolence et le sommeil, ô Bhârata“.

Les triguna peuvent être synthétisés ainsi :

  • sattva : la vérité qui est attachée au bonheur et à la connaissance,
  • rajas : l’instinct lié aux tendances et à l’action,
  • tamas : l’obscurité qui procède de l’ignorance (avidyā) et qui enchaîne le Jīva à la stupidité, la paresse et l’engourdissement.

Arjuna doit chercher à s’élever vers un état de conscience dans lequel toutes les dualités sont unifiées dans une parfaite harmonie. Il doit donc aller au delà de “sattva” parce que celui-ci lie encore subtilement le soi à l’existence matérielle. L’action juste est celle sans attente d’une quelconque gratification.

Gunas et yoga : pour aller plus loin ...

L’expression unique des gunas au sein de chaque individu confère à une personne son identité propre.

Il est intéressant de s’observer pour voir tour à tour les gunas s’imposer. Pour autant, sans Tamas, nous ne dormirions pas. Sans Rajas, nous ne bougerions pas. Sans Sattva nous serions incapables de ressentir avec clarté et sagesse la vie. Trop de Rajas est éreintant et peut mener à l’épuisement de l’énergie. Trop de Tamas conduit à l’inertie et à la mort lente. On dit que le yoga conduit à un état sattvique, lumineux, clair.

Notre condition mentale ordinaire est une combinaison de nos états de clarté, mouvement/agitation et l’inertie . Le yoga sert à revenir à l’état mental originel de la qualité sattvique. Il est le véhicule vers la pure conscience. C’est pourquoi, le yoga met l’accent sur le développement de sattva.

Pas la peine de vous faire une dessin, en hiver, le matin, Tamas sera prépondérant : une pratique dynamique vous aidera à sortir de la léthargie et ce soutenu par un Ujjayi vigoureux. C’est le moment de vous mettre au Forrest Yoga !

En été, à midi, méfiez vous de rajas ! Une pratique plus douce, type yin yoga, et la focalisation / concentration de l’esprit avec Mantra, affirmations et visualisations vont permettre de réduire l’agitation de Rajas. Et pour Sattva ? Savasana, Yoga Nidra, Méditation, chants dévotionnels et puis pratique, pratique, pratique. Ne jamais s’arrêter, persévérer. Vous pouvez utiliser de la sauge ou de l’Agua de Florida (personnellement j’adore) pour purifier votre espace. Voyez votre corps comme un espace sacré. Voyez votre esprit comme une fleur lumineuse. Privilégiez des méditations sur la lumière, la gratitude et la bienveillance.

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