Yoga Sutra de Patanjali – YS I.4 – I.6

Yoga sutras de Patanjali - I.4-I6 - les formes mentales de la conscience

Autrement, la conscience s’identifie à ses formes.

La conscience prend cinq formes mentales, qui peuvent être porteuses  ou non porteuse de souffrance.

Ces formes sont le jugement valide, le jugement erroné, la conceptualisation, le sommeil et les impressions.

Vrtti sarupyam itaratra. 

Vrttayah pancatayyah klishtaklishta. 

Pramāṇa viparyaya vikalpa nidrā smr̥tayaḥ.

Il y a des périodes de vie où nous sommes dans des transitions. Qui dit transition, dit fin de quelque chose et début d’autre chose.

Ces moments peuvent être source de stress et d’angoisse et peuvent amener à se poser de multiples questions, à perdre confiance voire perdre pied parfois. 

La fin de quelque chose, c’est une petite mort. Il faut réussir à en faire son deuil, à tourner la page. Cela peut être le deuil d’une personne suite à son décès ou parce qu’elle sort de votre vie. Le connu devient inconnu. Et l’inconnu, aussi mystérieux soit-il, est un point d’interrogation. On sort alors de sa zone de confort. Et l’être humain aime rarement sortir de sa zone de confort.

Par exemple, vous changez de chef ou de boulot. Vous ne savez pas avec qui vous allez travailler. Ce sera peut être mieux … ou pire …

Si je veux me faire peur, je peux me concentrer et imaginer le futur : il sera OBLIGATOIREMENT NÉGATIF, le passé étant l’âge d’or, c’est bien connu.

Cependant, je ne considère pas l’avenir comme un nouveau départ. C’est une continuation. Je bifurque simplement. Mon présent est la résultante de mon passé. Il n’y a pas de rupture franche mais plutôt un coude avec de nouvelles perspectives.

Le yoga m’a appris cela : au delà de calmer les vrttis de Citta (Yoga Sutras I.2 de Patajanli Yoga Citta vritti nirodah), le yoga permet de tracer une vie tout en continuité. La vie n’est pas tout le temps facile ? C’est vrai. Pour autant faut-il céder à la panique ?

La vie n’est pas permanente : il y a une chose dont on est sûr, c’est qu’on va mourir. Faut il s’angoisser outre mesure ? Cesser de faire quoique ce soit par peur ?

Au-delà de ces interrogations, pourquoi notre mental produit-il ces perturbations (les vrttis) ? D’où viennent-elles ?

Définition de vrtti

Patanjali mentionne cinq sortes de vrttis (vr̥ttayaḥ pañcatayyaḥ kliṣṭākliṣṭāḥ // pramāṇa viparyaya vikalpa nidrā smr̥tayaḥ YS I, 4-5) :

  • pramāṇa: jugement valide ou connaissance objective basée sur l’expérience ou l’expérimentation;
  • viparyaya: jugement erroné ou connaissance non objective qui ne repose pas sur l’expérience ou l’expérimentation;
  • vikalpa: conceptualisation ou connaissance indirecte basée sur la parole, les mots ou encore l’imagination qui ne s’appuient pas sur la réalité;
  • nidrā: sommeil, somnolence mais aussi perte de l’attention;
  • smṛti: impressions accumulées dans le citta mais aussi appel à la mémoire.

Les kleshas

Les vrtti, douloureux et non douloureux (klistaklistah), ce sont les schémas de pensées. Les kleshas sont les impuretés dans les schémas de pensée. 

Je m’inspire ici d’un excellent tableau synoptique établi par I.K. TAIMINI dans son livre “La science du yoga de l’humain au divin”.

Que sont les kleshas ? Les kleshas sont fondamentalement tout ce qui cause nos “misères” ou malheurs :

  • avidya: l’ignorance, le voile de l’illusion

  • asmita : l’égoisme, le sens du “Je”

  • raga : l’attachement, la dépendance

  • dvesha : la répulsion, le dégout,

  • abhiniveshah : la peur de la mort.

Les définitions des kleshas et les actions à réaliser sont l’objet du Sadhana Padha, le second chapitre des Yoga Sutras de Patanjali (d’où la numérotation dans le tableau ci dessous du sutra.II).

Que sont les kleshas ?

Enumérations et définitions

YS II.3,4,5,6,7,8,9 

Comment sont ils détruits ?

Méthode générale

YS II.10 et 11

Pourquoi faut il les détruire ?

Ils nous confinent dans le cycle du samsara et dans les misères de la vie

YS II. 12,13,14, et 15

Les misères de la vie peuvent-elles être détruites ?

oui

YS II.16

Quelle est la cause fondamentale de ces misères ?

L’union et l’identification du Connaisseur avec le Connu

YS II.17

Quelle est la nature du connu ?

Les interactions des bhutas, indryas et gunas qui finissent dans l’expérience et la libération

YS II.18 et 19

Quelle est la nature du Connaisseur ?

Le connaisseur est pure conscience Purusha

YS II.20, 21 et 22

Pourquoi le Connaisseur et le connu ont-ils été unis ?

Pour l’évolution des pouvoirs de Prakriti et la réalisation de Purusha

YS II.23

Comment le Connaisseur et le Connu ont ils été unis ?

Par un voile d’illusion causé par avidya

YS II.24

Comment peuvent-ils être séparés ?

En détruisant le voile d’illusion causé par avidya

YS II.25

Comment ce voile peut il être détruit ?

Par viveka qui conduit à une conscience croissante de sa propre nature par le Purusha

YS II.26 et 27

Comment développer viveka ?

Par la pratique du yoga

YS II.28

Patanjali estime qu’avidya est à la source des autres kleshas, et c’est vrai qu’à bien y réfléchir notre “ignorance” est très souvent, voire tout le temps, à la source de nos “malheurs”, peurs, comportements égoïstes et refermés. J’ai peur de mon voisin, je me barricade chez moi. Je ne dis pas bonjour. Je ne fais pas le tri de mes ordures car mon voisin ne le fait pas. Je fais le plein de mon caddie en tant de croise en me contre foutant des autres. L’avenir des générations futures n’intéresse pas. ¨Pourquoi faire le premier pas ? Je risque de perdre quelque chose”. Notre société de l’hyper consommation est un voile d’ignorance profond et très lourd. On préfère courir à la catastrophe car on n’ose pas remettre en cause un certain confort matériel. Je préfère critiquer une personne plutôt que de voir ce que moi je dis vraiment. Quand quelqu’un vous agresse verbalement, le plus souvent sa colère n’est que l’expression de sa propre frustration (le plus souvent parce qu’une de ses valeurs bonnes ou mauvaises, là n’est pas le sujet, a été mise à mal). Je vois beaucoup de personnes qui se rendent malades plutôt que d’affronter les réalités et se bercer de douces illusions ou remettre l’action au lendemain. Affronter sa maladie, c’est affronter sa propre peur de la mort. Des personnes rongées par l’anxiété ou l’angoisse sont en fait terrifiées par la mort. La leur et celle de leur proche. Un petit bobo devient une catastrophe. Cela ne signifie pas que nos maladies, quelles qu’en soient la nature et la cause, sont à prendre à la légère. Pas du tout. Ce que je veux dire par là, c’est que l’acceptation de sa maladie permet de la traiter et surtout de profiter encore un peu plus de la saveur de son présent (je pense au chemin de vie des personnes atteintes d’un cancer, de maladies handicapantes ou chroniques).

La réflexion sur nos attachements est intéressante. Prenons cet article : je l’ai réécrit plusieurs fois. Pourquoi ? Je pensais que finalement mon article n’était pas abouti. Ce “perfectionnisme”, devient une auto-critique régulière confinant parfois au ridicule. Il est surtout générateur de stress. Je me fais mal à moi-même, je ne respecte pas mon corps et j’irai même plus loin, je pense, qu’à un moment, nous ne nous respectons même plus.

Si nous ne faisons rien, les kleshas nous entrainent dans un cycle sans fin de naissance et de mort (le samsara) et dans les misères de la vie (théorie du karma indien). Pour y remédier, viveka (le discernement) détruira ce voile d’illusion et ce par la pratique du yoga.

Pratiquer le discernement est un exercice difficile du fait de nos attachements, de notre façon de penser, de nos peurs, de nos hontes. Reconnaître ses attachements est le premier pas : peut être un des plus grands. Cela peut permettre de sortir de certains conditionnements (je suis prudente … “peut être”, “certains”).

Avec le yoga, j’ai appris petit à petit à reconnaître certains de mes attachements et à travailler dessus. Ce n’est pas joli-joli parfois et c’est même laborieux et ça peut faire mal. Cependant, je me vois progresser. J’avance. C’est mieux qu’hier et vraisemblablement moins bien que demain, mais c’est, c’est tout. Je ne regrette rien de ce que j’ai fait : je l’ai fait. Je peux juste faire en sorte de faire mieux chaque jour. Et cette attitude n’est possible que si je lève un morceau de ce voile sur moi, et que j’écoute ce que l’on me dit. Les transitions sont aussi là pour ça. Et bien souvent, à force de patience, de ces transitions sortent de belles choses !

Mais ça ce sera l’objet d’un autre article (ahaha ! je ménage le suspense) ..

notebook journal intime ecrire

Petits exercices

Avez vous non loin de vous votre journal ? un crayon ?

Asseyez-vous confortablement et abaissez les paupières. Prenez 5 longues respirations, pleines et entières. 

Répondez à la question suivante : “qui suis-je ?

Vous avez certainement utilisé beaucoup de qualificatifs. Parmi ceux-ci, entourez tous ceux qu’il n’est pas possible de changer. Exemple : “je suis petite”. On ne peut pas changer le fait qu’on soit “petit”.

Après avoir fait ressortir ces qualificatifs. Regardez-les. Comment vous sentez-vous ?

Maintenant, entourez d’une couleur les qualificatifs positifs et d’une autre couleur les qualificatifs négatifs. Maintenant observez votre feuille. Trouvez-vous que les “positifs” sont plus nombreux que les “négatifs” ? C’est l’inverse ?  Que ressentez-vous ? Comment vous sentez-vous ? Y-a-t-il des choses non immuables que vous pouvez changer parce que vous voulez les changer ? Comment classerions nous ces qualificatifs en fonction des vrttis ? Pour moi, vikalpa était / est le vrtti qui revient souvent : l’interprétation. Et pour vous ?

Ecrivez à ce sujet sur votre cahier.

Vous apprenez ainsi à vous observer, à déterminer ce qui peut évoluer de ce qui ne le peut pas. Vous apprenez à être le témoin et à mettre progressivement de la distance. Bref d‘être plus CONSCIENT.

Pour aller plus loin

I.K. TAIMINI, “La science du yoga de l’humain au divin”

Les Yoga sutras de Patanjali

Lire les articles : 

Etude des yoga sutras de Patanjali

Les Yoga sutras de Patanjali : introduction

 

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