Les mantras

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les MANTRAS

Je chante faux, ou plutôt je chantais faux. Toujours est-il que chanter en public a longtemps été facteur de sensation désagréable, très désagréable entre honte et culpabilité.

Mais avec le yoga, ce qui restait coincé dans la gorge, l’expression même du son de ma voix, s’est débloquée. Et je chante. A tue tête. Et j’avoue que j’adore cela (bon, mon mari un peu moins …). J’irais même jusqu’à dire que je chante sans complexe n’hésitant pas à hausser le volume !

Comment est-ce possible, me direz vous ? Quel a été le facteur déclenchant ?

Le chanting. J’utilise le mot anglais à dessein : il désigne le fait de chanter des mantras ou des sutras. J’ai eu l’immense chance d’avoir eu dans mon cursus de prof une initiation au chanting. J’ai ainsi appris seule et puis en ligne avec mon amie Anne Nuotio les 2 premiers pada (les deux premiers chapitres des Yoga sutras) ainsi que le sublime Maha Ganesha Panca Ratna Stotram. Anne a même organisé deux sessions avec sa prof indienne, le Dr Jayashree. Et bientôt je vais m’atteler au 3ème pada, le Vibhuti pada.

Et puis il y a eu aussi le Forrest Yoga. Cette pratique et tout ce qui va au-delà de la prise de posture m’a appris à me disculper à reconnaître ma propre voix, au lieu de m'”écraser”, de faire la petite souris. Que c’est merveilleux de ne pas avoir honte. Au fur et à mesure que la culpabilité disparaît, on se raffermit, on fait avec encore plus de force. Simplement parce qu’on est honnête, qu’on est vrai. C’est à la fois la mise en œuvre de ahimsa, le principe de non violence, d‘asteya, l‘honnêteté et de satya, la vérité

Lors de ma formation en Forrest Yoga, j’ai dû enseigner en anglais. 

Véritable challenge. Je me suis lancée dans cette formation sans trop penser à comment j’allais faire. L’anglais c’était loin, très loin. Pas de vocabulaire et un accent so frenchy ! très très français ! Au cours d’un exercice, le ton était tellement plat car j’étais pétrifiée par comment dire ce que je voulais dire que la prof m’a demandée de chanter La vie en rose d’Edith Piaf. Je n’aime pas Edith Piaf mais bon je l’ai fait. Et là ! Boum ! La voix est sortie. 

Et puis mes amis m’ont dit que j’avais une jolie voix. Cela m’a donné une confiance de folie.

Dernière étape, le chant de mantras bouddhistes. Quand je sens mon corps se mettre à vibrer doucement et à s’échauffer, quand j’entends ce doux silence dans mes oreilles, là, je me dis que les mantras possèdent une résonance vraiment particulière.

Définition de mantra

Selon Sogyal Rinpoche, on définit les mantras comme étant ce qui protège l’esprit. “Un mantra est ainsi nommé parce qu’il est accompli par le processus mental. La racine « man » du mot mantra vient de la première syllabe de ce mot qui signifie « penser » et du « tra » vient de « train » qui veut dire « protéger » ou « libérer » de l’esclavage du monde phénoménal. Un Mantra génère la force créatrice et accorde la Félicité éternelle. Un Mantra répété constamment éveille la conscience. » Swami Sivananda.

Ce sont de courtes formules, composées d’une ou de plusieurs syllabes qui sont récitées en boucle. Ils sont bien souvent accompagnées de gestes précis et ils sont censées produire de puissants effets spirituels et manifester, par le son, les divinités invoquées.

A chaque dieu ou déesse correspond un mantra, forme sonnre et subtile de cette divinité, de son essence et de sa vibration.

Les Siva sutra (IXème siècle) disent que “le mantra est citta (conscience)”. Alexandre Astier explique ainsi (dans son article sur les mantras dans l’Encyclopédie du Yoga) que “il est à la fois la conscience divine et ce par quoi l’utilisateur prend conscience de cette unique réalité. La répétition par les hommes contribuerait à maintenir la continuité de l’univers et des dieux et à favoriser les équivalences entre le corps humain, le rituel (actes de dévotion, méditations et créations mentales, yoga, etc) et le cosmos identifié au corps du dieu.”

 La puissance du mantra ne vient pas forcément de leur signification mais plutôt des effets vibratoires créées par chaque syllabe quand elles sont prononcées de façon répétée. Le plus souvent, un mantra est répété 108 fois.

Pourquoi réciter 108 fois un mantra ?

108 comporte en lui même une symbolique. Le 1 représente Purusha (la conscience – ce qui est immuable), le 8 Prakriti (la nature – ce qui est exprimé et changeant), et le zéro l’arrêt de l’activité mentale.  108 représente “Samadhi”, l’enstase spirituelle.

Le 1 représente l’unité, le Un, le 0 représente le vide et le 8 est la représentation symbolique de l’infini et de l’univers. Le spanda, qui signifie à l’origine “vibration, pulsation” en sanskrit, y est défini comme « la vibration de l’Un, accompagnée de conscience, vibration qui a suscité les différences de l’univers ».

Le nombre 108 n’est pas choisi au hasard. Il est considéré comme sacré et est omniprésent dans les textes anciens. Il y a d’ailleurs 108 lettres dans l’alphabet sanskrit. Mathématiquement, 108 est le résultat de la formule bouddhiste suivante :

6 x 3 x 2 x 3 = 108.

Cette formule se décompose de la sorte :

     

      • 6 sens pour l’être humain (vue, ouïe, odorat, goût, toucher et pensée) ;

      • 3 temporalités (présent, passé et futur) ;

      • 2 conditions dans le cœur, l’esprit et dans toute intention (pure ou impure) ;
    •  
      • 3 états émotionnels bouddhistes (équilibre, aversion et indifférence).

    Le Sri Yantra, ou Yantra de la Création, est le yantra le plus puissant et le plus spirituel des yantras. Il y a 54 points où 3 lignes se recoupent. Chaque intersection possède les qualités du masculin et du féminin et 54*2 = 108. Il est dit qu’il y a 108 lignes d’énergie convergentes formant le chakra du cœur.

    S’il n’est pas répété 108 fois, le mantra le sera une fraction de ce nombre. Par exemple : une moitié, un tiers, un quart, un douzième. Ainsi certains malas ont 54, 36, 27 ou 9 perles.

    9 fois 12 = 108 : Ces nombres ont une signification spirituelle dans plusieurs traditions. Et 1+0+8 = 9

    Les puissances du 1, 2 et 3 en maths : 1 puissance 1 = 1, 2 au carré = 4 (2×2); 3 puissance 3 = 27 (3x3x3). et 1x4x27=108

    Dans l’alphabet Sanskrit, il y a 54 lettres. Chacune a un côté féminin et un coté masculin, shiva / shakti et 54 * 2 = 108.

    Le mala, le collier aux 108 perles

    On utilise un mala pour compter le nombre de mantra chanté.

    Chaque perle représente une répétition du mantra. Le Meru (montagne mythique et sacrée, axe de l’Univers) est la perle en bout du mala, mais elle ne fait pas partie des 108 perles. Elle est différente des autres, parfois plus grosse, souvent un Rudraksha (“Oeil de Rudra”, c’est le nom de la graine de l’Eleocarpus ganitrus, l’arbre sacré de Shiva – et Rudra est un des avatars de Shiva). Il sert de point de repère pour constater que le tour de mala (les 108 répétitions) est  achevé. De fait, le tour est complet au bout de 100 perles. Les 8 dernières sont là pour rattraper les comptes un peu rapides et sont des offrandes à son guru. Le cordon sur lequel les perles sont enfilées a une signification particulière. Il est composé de plusieurs fils qui sont noués en tresses. Parmi ces fils, trois représentent le corps du Bouddha. Cinq fils sont liés à ses cinq familles. Comme les perles sont tirées vers soi, le geste symbolise les êtres que vous tirez de la souffrance et qui sont orientés vers un karma positif. On trouve aussi quatre repères entre les grains appelés “Chaturmahārajā”. Ce sont en général des perles plus grosses ou des pendentifs symboliques tel que la cloche et la foudre (vajra), qu’un bout de fil rouge ou jaune rattaché au mala.

    Chaque fois qu’un mantra est fini, poussez une perle, toujours avec le pouce. Pour éviter que l’index touche le mala, gardez-le tendu. La perle Meru ne doit pas être touchée. Cependant, comment faire ensuite (par exemple pour un deuxième tour de mala) ? Il ne faut pas passer au dessus de la perle du Meru, et en même temps, souvenez vous on tire les perles d’arrière vers l’avant, sauvant ainsi les âmes. Si on repart en arrière … on les renvoie à leur condition humaine ?

    En fait, il faut retourner le mala d’un savant tour de main : il faut un peu d’exercice pour le faire d’une main et avec élégance mais cela vient.

    Les 3 corps du Bouddha

    Les 3 corps de Bouddha ou trikāya : le kāya désigne les différentes manifestations ou dimensions d’un être éveillé (=bouddha). Dans la Mahayana bouddhiste (un courant du bouddhisme), on mentionne 3 types de corps pour désigner le Bouddha historique Gotama (Sākyamuni) :

    • le corps fait des quatre éléments (vipakakaya) : désigne le corps humain périssable par lequel il se manifesta,
    • le corps mental (nirmanakaya) par lequel il se rendit de son vivant dans les royaumes divins
    • le corps de la doctrine (dhammakaya) qui désigne le corpus de ses enseignements, le Dhamma (il s’agit du véhicule de l’activité durable du Bouddha après sa mort)

    Les 5 familles

    Les 5 familles : Dans le Vajrayāna, autre courant majeur du bouddhisme, il est d’usage de regrouper les différents types de phénomènes existant dans l’univers manifesté et dans l’homme en plusieurs familles ou clans, expressions des pures qualités éveillées. On a ainsi :

    • Tathāgatakula, la famille du tathāgata, représenté par Mahāvairocana
    • Padmakula, la famille du lotus, représentée par Avalokitesvara (cf, Om Mani padme Hum : le joyau du lotus )
    • Vajrakula, la famille du diamant, représentée par Vajrasattva

    Ces trois familles sont l’expression de l’aspect purifié des trois poisons de l’esprit, lesquels sont les fondements du karman impur et donc du samsāra : l’ignorance-stupidité est liée à la famille thatāgata, le désir-attachement à la famille du lotus et la colère aversion à la famille du diamant.

    Puis on a Ratnakula, la famille du joyau qui est double car elle inclut Karmakula, la famille de l’action.

    source : Encyclopédie du Bouddhisme  de Philippe Cornu.

    5-familles-bouddha

    Réciter un mantra : japa

    On peut éprouver des difficultés à chanter un mantra … de façon parfaite !

    En effet, au départ, on ne prononce pas correctement les syllabes ou mots. Garder le rythme est parfois peu aisé. On peut même avoir l’esprit qui s’égare …

    Si j’ai appris une chose, c’est celle-ci : il n’y a aucune performance parce qu’il n’y a pas de perfection. Il faut se donner le temps. En fait, on acquiert la patience en chantant. De même que souvent, on apprend sans lire le texte uniquement par la répétition et l’exercice de l’oreille : c’est ainsi que l’on est concentré ! Bien sûr, cela peut être frustrant. Frustrant de ne pas prononcer correctement, de ne pas être dans le ton ou le rythme, de ne pas comprendre la signification de ce que l’on chante.

    Mais la récitation de mantra fait partie de japa. La racine de japa en sanskrit c’est JAP, murmurer, prier à voix basse, réciter à voix basse. JAPA, c’est le fait de murmurer des mantras.

    La question du mantra personnel

    Vous lirez certainement que certaines personnes ont un mantra personnel. Il s’agit d’un mantra qui leur a été donné par leur gourou. Dans l’épisode du podcast Au fil du yoga ci-dessous, Amarjap Kaur vous explique ce qu’il en est. Vous m’entendrez également vous parler de mon propre mantra : il m’est tombé littéralement dessus… je l’ai compris tout de suite, j’y ai pensé jour et nuit. Il sortait tout seul en faisant les courses par exemple. Pour qu’il devienne mien, pendant 6 mois je l’ai chanté 3 mala. Cela me prenait environ 45 min. Le jour de l’anniversaire de la déesse qu’il honore, je le chante 11 fois … soit 1188 fois (il me faut presque 3 heures; au bout d’un moment vous allez très très très vite, cela devient quasi incompréhensible à l’oreille).

    Les effets bénéfiques du mantra

    Chanter un mantra plusieurs malas, vous met dans une certaine transe … c’est très, très apaisant. Les vibrations du mantra viennent caresser votre gorge, votre thorax, les côtes, les organes internes et notamment les intestins. Ce massage interne très doux agit sur votre système nerveux et vous vous sentez plus en paix, moins tendu. Cela aide à lâcher.

    Chanter un mantra focalise votre mental, progressivement. Vous vous apaisez, vous destressez. Vous reprenez le contrôle du mental et vous ne vous laissez plus emportez pas ce stress oxydatif dont on souffre tous, plus ou moins.

    Le son agréable de votre voix, ou bien le son intérieur, vous conduit dans un espace doux, sain ou vous vous sentez bien.

    Pour ma part, chanter un mantra, c’est méditer. Certains ne sauront pas d’accord. De fait, vous avez les deux versions. Ce que j’aime particulièrement, c’est le silence que cela crée ainsi que l’espace en soi. Quand je parlais de résonance au début de cet article, ”est de cela dont je parle : expérimenter après une concentration / dédication (le mot existe en français, j’ai vérifié dans le dictionnaire ou le dévouement, si vous préférerez) dans la répétition cet état de calme immense en soi. C’est une douce transe, un état modifié de conscience. Si je devais utiliser un adjectif, je dirais que c’est doux.

    Quel mantra choisir ?

    Quant au mantra lui-même, je vous invite à expérimenter : essayez de chanter OM, le mantra des mantras. Om est un bija mantra, c’est à dire une syllabe graine. Il est également le premier son, celui qui vient de l’univers.

    Je vous invite à lire Om Mani padme Hum : le joyau du lotus. Je reviendrais bientôt sur d’autres mantras, très beaux. Dans vos pratiques, vous rencontrerez des mantras de l’Inde. Ceux-ci sont issus de toutes l’histoire de l’Inde et beaucoup du Rig Veda (par exemple la Gayatri mantra).

    5-mantras-pour-commencer

    Je vous propose ici 5 mantras faciles pour commencer. N’oubliez pas, donnez vous le temps !

    Pour aller plus loin

    Enfin, je vous invite à lire le livre de Colette Poggi, “Le sanskrit souffle et lumière” qui vous permettra d’approfondir la dimension vibratoire du sanskrit.

    Encyclopédie du Bouddhisme de Philippe Cornu

    Article de Alexandre Astier, Om et les mantras, dans l’Encyclopédie du yoga, p.330-331.

    Si mes articles vous plaisent, vous pouvez me rejoindre pour les ateliers que l’organise.

    Pour en savoir plus, allez visiter la page ATELIERS du blog

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