La posture avancée est souvent le Saint Graal des pratiquants de yoga. Rares sont les personnes qui ne cherchent pas à réaliser un poirier (handstand ou ado mukhavrksasana), la sirène (mermaid pose ou eka pada raja kapotanasana)… Pourquoi ? A quoi cela sert-il de se contorsionner, de s’étirer dans tous les sens ?
La réponse la plus facile reste le jeu de l’EGO et de la performance. C’est vrai, les fausses perceptions que nous avons de notre environnement extérieur et de l’idée que l’on se fait de qui on est à travers une apparence conduisent tout le monde, un jour ou l’autre, à chercher une posture avancée. Cela fait partie de ces vrtti (vrttayah pancatayyah klistaklistah, Yoga Sutra I.5) qui nous voilent notre véritable identité.
Ce n’est plus CITTA, le mental, mais CIT, la conscience, l’ETRE, qui est aux commandes. La posture avancée devient alors le reflet de la puissance de son observation, de la façon dont le prana s’installe dans le corps, de la façon dont on s’absorbe, se résorbe, se pose, là, dans l’instant. C’est le moment de s’observer, de s’aimer et de s’accepter.
Cette posture pour moi est symbolique : je ne sais plus la faire. Je l’ai déconstruite. J’ai peur quand je la fais, je me fais mal et je me tends. Je sens qu’à l’intérieur cela n’est pas extraordinaire. Mes trapèzes, scalènes sont hyper tendus. Mes épaules se bloquent. Pour moi, cette posture est stressante. Alors je ne la pratique plus pour l’instant. Je l’observe et je m’observe intérieurement. Même dans le non faire, je fais. J’ai appris à me connaître, à déceler les petits points de déclenchement d’une réaction corporelle et/ou psychique : un trigger point. Je ne prétends pas pour autant tout sentir et avoir une solution miracle. En revanche, le fait de ne pas réussir pour moi cette posture avancée m’a fait progresser.
A l’inverse, je “réussis” des variations de bakasana, crane pose ou le corbeau / grue. Là les sentiments sont différents. Il y a de l’émotion. Je m’envole, au sens littéral du terme. Je me sens légère, décontractée, intérieure. Je me sers de la terre et de l’air. Je trouve un équilibre subtil entre ces 2 éléments. Je suis bien. Pas de perturbation mentale, un cit stable, un prana circulant dans tout le corps. D’ailleurs, quand je ne parviens pas à faire cette posture, c’est que je suis lourde. La présence est l’élément clé. La présence ne signifie pas que le mental réfléchit. Ce n’est pas être présent. Être présent c’est d’abord de l’équilibre, du silence, de l’énergie et une ouverture.
La posture avancée devient une espèce de météo de son espace intérieur.
L’espace c’est aussi la grande découverte de ces postures avancées. De toutes les postures. On est stable et équilibré (“sthira sukham”) dans toutes les postures quand on a créé de l’espace et qu’on ne s’est plus ratatiné sous les regards, les pensées, les paroles. Le SOI (ou le vrai MOI) a pris sa place.
L’espace … c’est symbolique. On crée de l’espace en SOI(T) et en même on EST dans l’espace. L’infiniment grand rejoint l’infiniment petit. On est ici et partout. On fait partie de l’univers. On a trouvé sa place. Cela ne se réfléchit pas, cela se vit. On trouve l’espace quand on a enfin lâché le mental. C’est un chemin, ce que j’appelle “la voie du guerrier pacifique”, une initiation (j’en profite pour renvoyer à la lecture du livre de Dan Millman, Le Guerrier Pacifique).
Bien entendu, c’est très important et TELLEMENT, on ne se lance jamais dans une posture avancée sans avoir échauffé son corps. On ne se fait pas mal (n’oubliez pas ahimsa, la non violence, déjà, à l’égard de soi). On adapte les postures au regard de l’état physique de son corps. On respecte son intégrité, on se respecte. On vit sa posture et pas celle de la star du yoga ou des magazines (qui a mon sens sont en train de faire la même chose que les magazines féminins, nous culpabiliser !). On est en paix.