Le Forrest Yoga et les émotions
J’ai entamé cette année une formation importante dans mon parcours de professeur de Forrest Yoga : le mentorat (mentorship). Ce mentorat, je le réalise avec mon prof, Jambo. C’est un choix. Nous nous connaissons depuis 9 ans et depuis 4 ans, je suis en contact très régulier, voire hebdomadaire avec lui. C’est un choix de ma part : suivre une formation intense qui se déroule sur toute une année en anglais avec le défi de parler régulièrement et de pouvoir dire toute la singularité de ce que je souhaite exprimer dans une langue qui n’est pas la mienne. C’est aussi pouvoir explorer encore plus ce que je SUIS avec quelqu’un qui me connaît très bien. Parce que le mentorat, c’est une exploration encore plus poussée de SOI et une confrontation avec sa palette d’émotions.
Le Yoga implique-t-il une confrontation avec les émotions ? Si vous me connaissez, vous savez que je déteste accoler les mots “bien-être”, “gestion des émotions” à la mode néo-libérale au mot yoga. Je trouve que cela le galvaude. Pour autant, il faut bien reconnaître que “yoga citta niroddha” implique à un moment que nous nous regardions bien en face nos émotions.
Le Forrest Yoga est en cela un véhicule extraordinaire. Cette pratique vous propose un espace sûr où vous pouvez travailler sur vos émotions. Retour sur le livre d’Ana Forrest, Fierce Medecine, dont je vous recommande la lecture. Je l’ai lu 3 fois et pourtant à chaque fois, j’y trouve quelque chose de nouveau.
La méditation sur la mort
Ana Forrest au milieu de son livre parle de la Méditation de la Mort. C’est une méditation très forte, à mon sens assez unique en son genre. Sans trop en aborder le contenu (je préfère que vous la viviez, c’est une expérience en soi) il s’agit de méditer sur sa propre mort. Pas dans 30 ou 40 ans … là maintenant, sa propre mort, imminente.
C’est très fort. Peut être trop pour certains qui la jugeront brutale. Et c’est de cela dont je veux parler. J’avoue ne pas avoir réalisé … oui, il faut être prêt parfois pour aller plus profondément dans le Forrest Yoga. Ce n’est pas tant que ce soit une pratique physique intense. Ça l’est ! C’est aussi une pratique qui vous travaille intensément intérieurement. D’ailleurs, on peut ne pas s’en rendre compte. Moi, je ne m’en rends pas systématiquement compte. Parfois, le travail intérieur est souterrain, invisible. Ce travail, pour moi, il s’est fait lentement. C’est pour cela que je n’y ai pas prêté attention. Et aussi, parce que quelque part, je refusais d’y prêter attention. J’ai pratiqué le vinyasa (6 ans), le hatha yoga (1 an), le raja yoga (2 ans) et le kundalini (2 ans). Ce sont des pratiques qui sont belles mais qui ne m’ont pas attirée plus que cela sur un travail intérieur. C’est le Forrest Yoga est le style qui m’a le plus touché dans mes émotions. Quand je partage avec vous mon ressenti sur les autres styles, ce n’est pas pour faire une hiérarchie des pratiques. Non ! Pour moi c’est le Forrest Yoga qui m’a engagé sur cette voie. Pour d’autres, ce sera le Kundalini ou le Hatha. Nous sommes tous différents. Vraiment différents. Nos registres intérieurs ne peuvent se dévoiler que lorsque nous avons trouvé ce qui nous correspond.Et puis, il y a aussi le temps, le temps consacré à la pratique qui va avoir un impact sur l’émergence du Soi. Je suis une personne que beaucoup décrivent comme ancrée, les deux pattes bien posées dans le sol. En conséquence, une pratique comme le kundalini ne va pas me correspondre. En même temps, j’ai beaucoup de feu dans ma constitution. Une pratique de hatha va être trop douce pour moi. Une pratique de vinyasa risque par contre d’entretenir le feu, à l’excès. Et cette constatation au niveau physique est la même au niveau spirituel. C’est pour cela que le Forrest Yoga me correspond. Chacun va trouver dans un style la pratique qui va le transporter personnellement. Et puis, il y a aussi les étapes de la vie qui nous transforment ainsi que les années, et, un style qui pouvait vous correspondre à un moment (pour moi le vinyasa) peut ne plus l’être ensuite.
A la recherche d'un travail sur soi ?
Faut-il absolument rechercher ce travail intérieur ? Je vous ferai une réponse à la Pyrrhus : oui et non.
Oui, émotionnellement c’est intense. La méditation de la mort en est un exemple. Ana Forrest explique que cette méditation a été construite pour aller au delà de tout ce qu’on recèle gentiment en nous, pour nous “secouer” et faire monter ces traumas qui nous retiennent. C’est dur. Dur de faire un bilan et de réellement voir ce qui vaut le coup de ce qui ne vaut pas le coup. Je pense qu’il faut être prêt parce que cela remue beaucoup. J’ai un ami qui n’a pas pu la faire pendant la formation. Voir sa mort …
Oui et non. Oui, c’est évident mais pour cela il faut être prêt et accompagné dans l’exploration de soi sur le tapis. Non, ce n’est pas une obligation. J’en suis un exemple. Mais honnêtement si l’on va au fond des choses, on est tous, à un moment donné, abîmé par la vie. Je n’ai pas choisi le Forrest Yoga pour cela. J’apprécie la façon dont les intentions durant la pratique physique nous permettent de nous regarder avec honnêteté et avec BEAUCOUP d’amour et de compassion. Et aussi de l’humour. Il n’y a pas la recherche d’une catharsis ou de vouloir absolument éprouver quelque chose de fort. Les émotions s’incrustent dans notre corps. Elles se logent dans nos muscles, nos cellules, notre ADN.
Définition d'émotion
Dans le dictionnaire Le Robert (1993), « émotion » est issu de « motion » qui concerne le mouvement qui s’accomplit ; la racine latine emovere signifiant « mettre en mouvement ». Au début du XVIe siècle par le mot « esmotion » qui induira la signification utilisée actuellement : l’émotion est un état de conscience complexe, généralement brusque et momentané, accompagné de signes physiologiques (par exemple : rougissement, sudation). Tous les signes corporels de l’émotion dépendent de l’activité du système nerveux. La sensation ou l’état affectif agréable ou désagréable est retenu par le sujet comme étant le marqueur de son état émotionnel mais aussi somatique. Mais l’émotion porte aussi une définition moins ancienne (XVIIIe siècle) qui a contribué à donner le sens actuel : il s’agit d’un mouvement et d’une agitation d’un corps collectif, d’une masse vivante, pouvant dégénérer en troubles (émeutes). La place du corps comme entité vécue par le sujet est plus évidente dans l’article de l’Encyclopædia Universalis (1976) où la physiologie de l’émotion longtemps privilégiée par la science ouvre sur la psychologie des émotions. Notamment avec l’idée de l’émotion comme « mode de comportement ». Selon l’Encyclopædia Universalis, on retient que les travaux des années 1940 à 1960 sont plutôt de type behavioriste où l’émotion est assez systématiquement conçue comme réaction à une situation : atypique et/ou inquiétante, surprenante, engageante (émouvante) pour l’individu, qu’il soit enfant ou adulte, humain ou mammifère animal” (définitions issues d’un article L’émotion, contribution à l’étude psychodynamique du développement de la pensée de l’enfant sans langage en interaction” de Philippe Claudon et Margot Weber).
L’émotion apparaît assez rapidement comme un point de passage du biologique au psychologique, passage qui est de nature à nous renseigner sur les sources de la capacité à penser et à communiquer.
Peur, joie, dégoût, tristesse, colère, surprise sont considérés comme les six émotions fondamentales, dites aussi primaires ou encore darwiniennes selon les auteurs et par opposition aux variations subtiles qui instaurent des émotions liées aux contextes sociaux et relationnels complexes (e.g. honte, envie, amour, empathie).
L'émotion une carte de lecture du soi
Les émotions sont une carte de lecture de qui nous sommes. Elles nous permettent aussi quand nous en avons conscience de comprendre notre rapport au monde et aux autres. Donc d’être avec les autres.

J’ai des idées assez tranchées. Elles me viennent de ma famille, de la façon dont mes parents m’ont éduquée, des mes études et puis ensuite de la façon dont j’ai traversé certaines étapes dans ma vie. J’ai un parcours de vie. Forcément la façon dont je parle est empreinte de ce parcours. MAIS. Mais on apprend aussi à connaître ses émotions pour ne pas les transposer sur les autres, ou tout du moins être conscient de ce que l’on dit. Connaître ses obsessions et ses aversions vous permet de prendre du recul quand quelqu’un vous raconte quelque chose. Et notamment pour ne pas juger. Je juge quand on me parle et puis je me rappelle out ce que j’ai appris. Et alors mes oreilles entendent différemment, je prends un pas de recul. Je peux alors voir qu’il ne s’agit pas de moi mais de l’autre. Mes “recettes” me conviennent à moi. C’est pour cela que vous lisez souvent une chose et puis ensuite son contraire : tout envisager. Ne (presque) rien exclure pour embrasser le plus largement possible. Le Forrest Yoga m’apprend à prendre du recul. J’ajouterai aussi avec le bouddhisme, tel que l’on me l’initie.
Ana Forrest a choisi Kali comme déesse pour la guider dans la reconstruction de sa vie. Ce n’est pas un hasard. On voit souvent Kali comme une guerrière assoiffée de sang mais Kali c’est aussi la Femme, celle qui s’impose en tant qu’Etre, une matrice. Vous me direz, alors ce yoga est destinée aux personnes qui ont de graves problèmes, qui sont coincées dans leur vie, qui ont besoin de se reconstruire ?
Regarder sa mort en face, c’est voir l’utile et l’inutile. Ce qui compte et ce qui ne compte pas. C’est d’abord pleurer puis affronter nos peurs, aller chercher notre enfant intérieur et le faire RENAITRE. Oui ! Exactement l’inverse de la mort. C’est faire exploser la vie en soi, qu’elle s’affirme. Mais, je n’ai jamais subi de violences, je ne vis pas dans un pays en guerre … donc mes propos sont peut être à ramener à la proportion de sa propre vie.
La traque de l'émotion en Forrest Yoga
La recherche de l’émotion, cette traque, fait partie du système du Forrest Yoga. C’est l’intention de se libérer (et le yoga est une libération : moksha ou kaivalya – je vous renvoie notamment au 4ème pada des Yoga Sutra de Patanjali), de reconnaître ce qui nous tient. Depuis 4 ans, je vis avec deux sciatiques. Ces sciatiques spasment mon muscle piriforme et le nerf irradie dans mes ischio jambiers. Rien de très douloureux mais plutôt gênants et désagréables. Le Forrest Yoga m’apporte deux solutions : travailler sur le piriforme, les ischio et le bas du dos pendant ma pratique et sur la signification de ces spasmes. L’anatomie est très présente. Les professeurs ont un bagage solide (mais ne remplacent en rien la consultation chez un professionnel). Par exemple, le piriforme est l’expression de tout ce que l’on tient. Pas retient mais tient. Une représentation du monde intérieur et du monde extérieur. De ce que l’on doit exprimer à l’extérieur (mon métier a à voir avec les fonctions régaliennes de l’Etat) et ce que l’on est intérieurement. En lisant ces mots, certains se diront : oh bé hé ! tu n’as qu’à démissionner ! Et moi je répondrais que cela fait partie de mon dharma (je vous renvoie à la Bhagavad Gita).

La réconciliation c’est aussi l’acceptation. Pas celle d’avoir mal à son derrière mais celle d’accepter la mise en cohérence entre deux modes de vie qui peuvent sembler inconciliables. Abandonner mon métier, ce serait pour ce qui me concerne une fuite et je pense que très vite j’aurais un autre problème au piriforme !!! Le Forrest Yoga dans sa pratique (mais cela prend du temps) m’a permis d’être au clair avec cela. J’ai longtemps navigué dans une espèce d’entre deux. Surfer sur mes émotions, sentir où cela coince, revenir, comprendre…
Ce yo-yo émotionnel n’est pas tout le temps facile. C’est aussi un apprentissage en tant que tel. Et c’est apprendre à accepter que l’on me dise certaines choses. Lâche Caro. Vraiment lâche. Tu es en fait en mode panique dans cette posture. Je suis devenu un observatoire à moi toute seule. Oui. Non. J’oscille entre acceptation et indignation parfois. Bref, j’y trouve mon compte. Ce qui me fait dire que pour moi, et en ce qui me concerne, le yoga est une psychothérapie. Je ne suis pas thérapeute et ne le serait jamais. Mais je peux aider, et, je m’aide moi en premier lieu. Et quand Ana Forrest invite ses élèves à faire la méditation de la mort, ou à accepter leurs émotions, elle ne fait pas la thérapeute. Elle propose un chemin. A chacun d’y trouver son compte, de mesurer si cela est trop émotionnel.
Alors faut il être prêt émotionnellement pour faire du Forrest Yoga ? Je ne me suis pas posée la question quand j’ai commencé. Je pense que tout le monde peut commencer. Choisir le Forrest Yoga est effectivement un geste fort au regard des émotions (car plus clairement affiché que les autres styles de yoga) cependant je pense que tous les styles de yoga sont forts émotionnellement à partir du moment où l’on s’implique. Ensuite, chacun décidera en fonction de ce qu’il ressent et veut ressentir !
Pour aller plus loin
Le livre d’Ana Forrest , Fierce Medicine
Le site internet www.forrestyoga.com
@forrestyoga
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