La conférence des Oiseaux de Farîd od-dîn ATTÂR
Au gré de mes lectures, j’ai lu divers articles parlant de la Conférence des Oiseaux du poète soufi Attar. Tout de suite, les passages évoqués m’ont rappelé le YOGA. Alors j’ai acheté la version rédigée et théâtralisée par Jean Claude Carrière, me réservant la version versifiée par Leili Anvar et éditée aux Editions Diane de Selliers pour un Noël ! D’abord un petit mot sur Jean Claude Carrière. Auteur à connaître et lire. C’est lui qui a écrit la version du Mahabharata de Peter Brooks. Il a également co-écrit une BD sur le Mahabharata, Il est auteur d’ un magnifique livre “Le cercle des menteurs” dont j’aime lire des passages. Quant à Leili Anvar, spécialiste de la langue et de la littérature persane, elle a animé les Racines du Ciel sur France Culture avec Frédéric Lenoir et j’ai adoré sa façon de parler de la philosophie.

Un livre remplie de sagesse
De quoi nous parle la Conférence des Oiseaux ? De spiritualité, de la rencontre avec le divin et avec Soi ! Comme le yoga …
Lors d’une réunion entre tous les oiseaux, la huppe, messagère de Salomon, déclare que leur roi, le Sîmorgh, les attend sur les hauteurs du mont mythique Qâf. La huppe connaît le long et difficile voyage, elle en sait les dangers et les épreuves. Pourquoi une huppe ? Une légende juive conte qu’une volée de huppes sauva le roi Salomon d’une insolation. En récompense, les huppes reçurent leur crête unique.
Le Simorgh est mentionné dans le Livre des Rois du poète persan Ferdowsi où il est le dépositaire de tous les savoirs. Ici c’est l’allégorie du Divin. Pour ma part, j’y ai tout de suite vu Dieu. Mais c’est ce qui me concerne. On peut y voir aussi le Soi, ou une transcendance immanente. Si je fais le lien avec le yoga, c’est les mots Atman et Brahman qui me viennent tout de suite à l’esprit. Avant d’aller plus loin, si les concepts d’Atman et Brahman vous sont étrangers, je vous invite à lire cet article : Brahman, Atman, Tu es Cela.
Simorgh est aussi un rappel de si morgh, les trente oiseaux; or, seuls trente oiseaux atteindront le Simorgh.
Pur en savoir plus sur le Simorgh, un petit détour par cet article très instructif Simorgh, un oiseau mythique de l’ancienne Perse
Tous les oiseaux hésitent, prisonniers de leurs attachements terrestres. La huppe conte alors à chacun une histoire de sagesse, les invitant à abandonner leurs biens, leurs amours, leurs certitudes, à renoncer à eux-même pour entreprendre le voyage.
Un périple sacré
C’est une aventute complexe et difficile qui s’ouvre. A bien des égards, vous l’aurez compris, il s’agit de la vie humaine. Il faut successivement franchir le désert mais aussi 7 vallées : les vallées du Désir, de l’Amour, de la Connaissance, de la Plénitude, de l’Unicité, de la Perplexité, du Dénuement et de l’Anéantissement pour arriver jusqu’au trône royal de la Sīmorgh, pareil à celui de Salomon. A chaque vallée, des oiseaux meurent mais à force de ténacité, de patience et d’humilité, trente oiseaux parviennent au bout de leur quête spirituelle . En lieu et place du Simorgh, ils voient leur propre reflet. Dieu n’est pas extérieur au monde, mais présent dans la totalité de l’Univers. Souvenez vous du grand Tout Brahma dans la philosophie hindoue … On passe tant de temps à chercher à l’extérieur ce qui réside en nous …
Un texte allégorique
Ce texte est magnifique, riche en allégorie. Dans la première vallée, c’est le sens même de la quête qui est abordée. Pour la dépasser, il faut tout abandonner et renoncer à tout et en particulier abandonner l’idée de chercher activement son chemin. Chercher activement c’est conserver quelque chose. S’engager dans la voie spirituelle demande de beaucoup abandonner pour pouvoir avancer. Pour passer la vallée de l’amour, il faut être capable d’aimer sans arrière pensée, s’abandonner totalement à l’amour. Ici on ne parle pas de l’amour qu’on éprouve pour un homme ou une femme. C’est plus que cela. C’est d’autant plus difficile à expliquer qu’il n’y a pas de matérialité. On cherche en soi. Ou plutôt on va en soi profondément en s’abandonnant en toute confiance, sans peur. Pour traverser la vallée de la connaissance, il faut dépasser les contradictions apparentes entre les choses. C’est la connaissance qui le permet. Souvenez vous de SVADHYAYA en yoga, la connaissance, l’étude de Soi … Pour aller au delà de la vallée du détachement , il faut apprendre à relativiser l’importance donnée aux choses. J’ai déjà écrit sur la notion de détachement en yoga et sur la souffrance issue de l’illusion des désirs, bien souvent matériels. La vallée de l’unicité se parcourt en réalisant et intégrant qu’en réalité on n’est pas des individus isolés mais un seul. Comme une communauté ou une société. Au delà, c’est aussi l’union avec le grand Tout, la réalisation que le microcosme est un macrocosme et inversement. Dans la vallée de la perplexité, c’est l’unité avec l’être suprême qui prime : ISHVARA PRANIDANAT. Et dans la vallée de l’anéantissement, le voile d’illusion disparaît. “Là, tu vois disparaitre par un seul rayon du soleil spirituel, les milliers d’ombres éternelles qui t’entouraient.”
On y retrouve Yoga et bouddhisme
Ou plutôt, on va retrouver la même chose dans le yoga ou le bouddhisme.
Pour le Yoga, j’y vois les yama et les nyama que Patanjali a intégré comme étant les 2 premiers membres du Yoga : une éthique envers soi et une éthique envers la société.
Tatrahim sasatyasteya brahmacaryaparigrahah yamah – La discipline consiste dans le respect de la vie, la franchise, la non-convoitise, la chasteté et la retenue
Sauca samtosa tapah svadhyaye kssvarapranidhanani niyamah – Les observances sont la pureté, le contentement, l’ascèse, l’auto-observation et l’abandon au Divin
Yoga Sutra de Patanjali II-30 et II-32 (traduction Jean Bouchart d’Orval)
Vous trouverez ci-dessous quelques podcasts d’Au fil du Yoga qui y sont consacrés.
Pour le bouddhisme, c’est l’enseignement général des 4 Nobles Vérités.

La morale de l'histoire
Mais alors ? Alors, la recherche est transcendante. Elle commence à l’intérieur. Reportons nous au mythe de la caverne qui est abordée par Attar. Il faut dépasser ses propres ombres, son regard sur la matérialité et tout abandonner. C’est ce voyage à travers le désert et les 7 vallées qui nous permet de trouver le Soi. Il n’y a rien à trouver et tout à trouver aussi. Pour le soufisme, Dieu n’est ni à l’intérieur ni à l’extérieur. Il est la Totalité. Je crois que l’on peut dire cela aussi des autres religions. Et dans le yoga, ou plutôt sur le chemin du yoga, c’est ce qu’il se passe, ce qu’on trouve. Parfois on cherche à l’intérieur une réponse qui ne s’y trouve pas. Parfois, on la cherche autour de nous. Or elle est partout. C’est pour cette raison qu’on ne peut réduire le yoga à la pratique d’asanas ou au pranayama. C’est un tout : l’Eveil / illumination c’est cela !
“Reste devant la porte si tu veux qu’on te l’ouvre. Ne quitte pas la voie si tu veux qu’on te guide. Rien n’est fermé jamais, sinon à tes propres yeux.”
Laissez vous emporter par la magie de la poésie. Le Lâcher prise du Yoga m’a permis cette approche jusque là complètement absconse pour moi !
Pour finir, je vous mets le lien pour la version traduite par Leili Anvar et je vous souhaite une belle lecture !

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