Vinyoga - Un Yoga Occidental de Philippe FILLIOT
J’adore lire. Je suis une acheteuse quasi compulsive de livres et notamment ceux concernant le yoga.
Je suis donc tombée sur cet ouvrage : Un yoga occidental, L’enseignement viniyoga de Krishnamacharya à aujourd’hui de Philippe Filliot. Tombée littéralement. ET je me suis dit : “pourquoi pas ?” D’autant que le titre rentre pile poil dans mes réflexions autour de ce qu’est le yoga ici en Occident et le fossé qui grandit toujours un peu plus entre le yoga (j’allais dire le vrai) et ce qu’on trouve un peu à droite et à gauche.
Je suis entrée en résonance avec de multiples points du livre. Vous le savez déjà, je suis prof de Forrest Yoga (celui d’Ana Forrest, cliquez sur le nom pour allez vous informer sur le Forrest Yoga qui n’est pas le yoga de la forêt). J’ai commencé la pratique physique du yoga avec le Vinyasa (ma prof s’était formée avec Gérard Arnaud) et je suis une fan de Yoga Nidra (même si ces derniers temps, je n’en fais plus du tout : manque de temps !). Je pratique ce qui est à mes yeux un yoga en mouvement synchrone avec le souffle, sans effort, ferme et relâché et dont les éléments de posture sont adaptés à tous.
Aussi, au fur et à mesure de ma lecture, je me suis retrouvée dans l’enseignement de T.Krishnamacharya, de son fils T.K.V Desikachar et de Claude Maréchal, bien que posturalement parlant je ne relève pas du tout de ce “style” de yoga.
Il ne faut pas tenter à tout prix d’adapter la personne au yoga que l’on enseigne mais il faut impérativement adapter de façon juste le yoga à la personne.
Le yoga comme enracinement
Philippe Filliot observe que l’évolution spirituelle que dessine le yoga n’est donc pas une progression linéaire mais plutôt un processus involutif pour s’enraciner profondément en soi-même.
Et c’est cela que je ressens. D’abord mon le chemin du yoga n’est absolument pas linéaire. Il est fait de joie et de chaos, de colère et de plaisir. Ou plutôt, la pratique du yoga, les rencontres dues au yoga m’ont fait traverser des moment d joie et de sérénité profonde. Mais j’ai été aussi en colère ou très triste. Le monde du yoga, tel qu’il existe actuellement ici en Occident, n’est malheureusement que le reflet de notre société néo-libérale faite de compétition, de refoulements, d’intérêts, de jalousies. Au lieu de se fondre, c’est une somme d’individualités. Un exemple ?
Pendant ma formation, à Marseille, une personne m’a carrément dit qu'”elle doutait que j’aborde le côté spirituel du yoga”. Je me souviens qu’elle m’a dit être revenue sur son jugement quand j’ai fait une salutation au soleil en fermant les yeux et en mettant mes mains en prières tout du long ….
Coup sur coup ce mois-ci, deux personnes m’ont contacté pour me demander des renseignements sur le yoga en studio ici en ville. J’ai immédiatement répondu. Pas de remerciement ! Rien. Nada.
La première fois que j’ai organisé la venue de mon prof ici et que j’ai dû annuler le weekend (ce qui m’a coûté de l’argent), une personne m’a reproché de n’avoir pas fait assez de pub ! Ceci étant dit, je lui ai envoyé à chaque fois les infos pour les 2 stages qui ont suivi, elle n’a jamais donné signe de vie !
Ces moments sont autant de moment où je dois gérer ma colère, ma déception, es interrogations qui m’assaillent (plus ou moins). Au début, il me fallait du temps. Maintenant, je sais quand je plonge dans cet état : il devient alors plus simple d’en sortir rapidement (enfin plus ou moins …).
Si faire du yoga au début a été synonyme de pratique physique, très vite, ma relation au yoga est devenue beaucoup plus profonde. L’aspect physique ne répond pas au silence et à l’expansion intérieurs . La méditation, le chant de mantra, la lecture de textes du yoga (et du bouddhisme) sont venus le compléter.
Le yoga comme cheminement
Devenir professeur en suivant une formation a été le premier virage transformatif : j’ai été comme un oignon à qui on a ôté quelques pelures. Cela a été profond et pas sans peine dans tous les sens du terme. Et j’ai effectué non pas une révolution mais une involution, un redéploiement vers l’intérieur. Extérieurement je suis la même. Mais intérieurement, tout est plus lumineux, sûr, ancré, distancié.
J’utilise le mot transformatif mais je ne l’aime pas beaucoup. Pour moi, on ne se transforme pas, car tout est là. C’est plutôt que cela doit ré-émerger. Je ne change pas. J’ai toujours été comme je suis. Sauf que la vie (études, boulot, surtout boulot, et les difficultés de la vie) a mis un voile sur certains aspects du je suis et en a exacerbé d’autres.
Le vinyoga ou adapter le yoga
Et chaque jour de yoga, chaque jour de ma vie suit ce principe général d’involution mais à petit pas. Philippe Filliot parle d’union (qui est la traduction du mot sankrit yoga) où l’individu et sa pratique se fondent, ne font qu’un, ce qui justifie une adaptation du yoga pour que l’union soit complète.
Si vous me connaissez, vous savez l’attachement qui est le mien à adapter la posture au corps et non pas à plier le corps à la posture. Vous me direz que cela édulcorer la pratique en ce sens que la discipline disparaît. Pour moi, la discipline n’est pas là. La discipline n’est pa plier le corps, image encore une fois néo libérale qui tend à soumettre, et ce dans un cadre compétitif. La discipline consiste à revenir, à lire au cas particulier son corps, à l’explorer, l’écouter pour arriver à cette fusion. On est dans cette idée très cartésienne qu’il y a d’un côté le corps et de l’autre le mental. Le yoga serait alors une fusion des deux en soumettant le corps. Ce n’est pas le cas de la philosophie indienne : la posture soutient la méditation.
En vieillissant, en ayant plus d douleurs, je réalise que ‘plier” mon corps à certaines directives posturales me fait mal. Et je n’en tire aucun bien. Même en étant concentrée. Adapter la posture est aussi une façon de se désengager de l’asanisation du yoga. Une façon de dire que non la posture n’est pas le yoga.
Le tapis de yoga devient un “espace interstitiel, presque sacré, (où) il est alors possible d’expérimenter réellement l’état d’esprit du yiga et d’y inventer une autre manière de sentir et de penser. (…) Voici un haut lieu de “recherche intérieure” (svadhyaya)”.
Sur le tapis, on se met en samgati (mouvement de rassemblement et d’absorption), à l’unisson, on cultive l’esprit (bhavana) qui permettra les transformations progressives pour aller vers l’unité et on sera attentif à équilibrer les contraires (pratikriyasana).
Tout devient alors plus simple et on avance sur son chemin en toute sérénité (aviplava).
Le vinyoga : respect et non appropriation culturelle
Outre l’adaptation des postures, le discours du viniyoga est d’accepter que la forme indienne du yoga évolue avec la société occidentale. Je m’explique car je tiens beaucoup à cet aspect. Il ne s’agit pas de s’approprier la culture indienne. Au contraire, il s’agit de reconnaître avec honnêteté qu’i y a des aspects que je ne souhaite pas singer. Bien qu’attirée par les déités indiennes, l’histoire spirituelle de l’Inde et son symbolisme, je ne suis pas indienne et il faut admettre qu’emprunter à l’Inde ses caractéristiques me donnerait l’impression de copier mais pas “d’être”. Pour moi Namaste ne fait pas partie de mon vocabulaire même si sa signification est magnifique. Mais je ne m’approprie pas quelque chose qui ne m’appartient pas. Je clôture mes cours par “merci”, tout aussi sincère en signification que peut l’être Namaste. En plus Namaste pour les Indiens (et pas tous, l’Inde c’est immense et très divers) cela signifie d’abord Bonjour !
Cette forme de yoga permet au soi d’émerger tel qu’il est.
Cela ne signifie pas qu’il faille se passer des enseignements de l’Inde. Bien au contraire, la philosophie indienne a été très riche sur les aspects spirituels et permet de donner une tout autre dimension à la réflexion. C’est même essentiel si on veut comprendre en l’intégrant les apports de la philosophie indienne.
Prenons l’exemple de la non-dualité.
En Occident, une grande partie de la philosophie s’est bâtie sur la dualité depuis Platon et surtout Descartes : le premier oppose le monde sensible (le monde de l’illusion) et le monde intelligible (monde des Idées éternelles), le second, opposera la substance (âme) à l’étendue (corps). Il faudra notamment Spinoza pour poser l’alliance de l’âme et du corps (petit aparté : en cours de philo j’avais du mal à saisir tous ces concepts trop abscons pour moi. Avec le yoga, j’ai une nouvelle intelligence de certains textes et notamment de la philosophie de Spinoza. La lecture de Spinoza est loin d’être facile alors je recommande pour une approche très littéraire le livre de Irvin YALOM “Le problème Spinoza” – cf une très bonne critique du livre ici – et le livre réflexion de Frédéric Lenoir “Le miracle Spinoza” ).
Alors que la non-dualité se retrouve déjà dans le Vijnanabhaïrava Tantra, le « Tantra de la Connaissance Suprême » et dans l’idée que nous faisons partie d’un grand tout, où microcosme et macrocosme ne font qu’un ou individu et divin sont unis dans l’un. C’est une compréhension différente de ce que l’on nous a inculqué depuis tout petit mais qui sous tend toute la philosophie du yoga.
Bref, voici ce qu’un petit livre peut susciter comme réflexion !
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