Yoga Sutra de Patanjali I30

Yoga sutra de Patanjali I.30 - les obstacles qui dispersent la conscience

I-30 Vyadhi styana samshaya pramada alasya avirati bhrantidarshana alabdhabhumi katva anavisthitatvani chitta vikshepas te antarayah – La maladie, l’abattement, le doute, la tergiversation, la paresse, l’attachement aux habitudes, l’illusion, le découragement ainsi que l’inconstance, tels sont les obstacles qui dispersent la conscience.

Le plus dur c’est de reconnaître. Pas de reconnaître pourquoi on a le mental dispersé. Mais plutôt ce qui va y contribuer. Quand on s’engage dans la pratique du yoga, on se rend assez vite compte, notamment avec la respiration, que l’on peut arriver à se centrer et à se sentir mieux. Mais je dois dire que notre société actuelle et le monde dans lequel nous vivons ne contribuent pas à l’apaisement du mental malgré toutes les heures passées sur un tapis. La pratique doit s’intégrer en soi, vraiment, et permettre de percevoir quand on va subrepticement basculer. C’est à ce moment là, que les enseignements prennent enfin leur ampleur.

Qu’est ce que la maladie, l’abattement, le doute, la tergiversation, la paresse, l’attachement aux habitudes, l’illusion, le découragement ainsi que l’inconstance ?

La maladie

Quand le corps est malade, c’est tellement facile de laisser le chemin de côté. La souffrance nous écarte à la vitesse grand V, la préoccupation aussi. Prendre soin de soi est donc un des premiers grands aspects à prendre en considération. Je ne vais vous donner aucun conseil sauf celui de vous écouter le plus possible pour vous comprendre encore mieux. Vous écouter, VOUS, vraiment en tout premier. Et déjà à ce stade, il faut faire preuve de clairvoyance. Parce que lorsque l’on souffre dans son corps, on essaie beaucoup de choses pour ne plus ressentir la souffrance et parfois on se dirige vers les charlatans. Et il en fleurit de tous les côtés sur le net vous promettant de vous guérir avec tel cristal, telle herbe ou huile essentielle. Je ne dis pas que cela marche. Je ne dis pas que cela ne marche pas. Je dis qu’il faut savoir où vous mettez et les pieds et votre confiance. Moi, je me suis faite avoir pour mes migraines. Ceux qui en ont savent à quel point cela fait mal et combien c’est handicapant. J’ai essayé plein de trucs, suivi des tas de conseils. Mais ils allaient à l’encontre de mon instinct qui me disait tout autre chose… La prise en charge passe par une très grande observation de sa façon de vivre, de ses moindres blocages, physiques, émotionnelles, de comment on dort, mange, bouge. C’est long, ça peut aller et venir et c’est troublant parce qu’on ne veut pas entendre certaines choses. Il faut donc que cela fasse son chemin. Résultat : je vais nettement mieux.

L'abattement

L’abattement est le second obstacle. Je pense que cet abattement, on le ressent aujourd’hui plus qu’avant dans la société : covid, guerre en Ukraine, attentats, guerre en Palestine, crise de l’énergie, crise environnementale, crise économique. Dire que les esprits sont enjoués et positifs serait mentir. Bien sûr, certains ont cette aptitude à être plus alertes mais il y a aussi peut être cette condition inhérente à l’acceptation de ce qu’est la “destinée”. C’est le destin. La tendance inverse serait de dire que si on ne fait rien, on ne s’en sortira pas.

Dans le yoga, on entend souvent, c’est le karma … truc que je déteste au plus au point. Parce que le karma est mis à la sauce new age. Et que bien souvent les gens ont le mot Karma à la bouche sans savoir ce que c’est !

Le karma : explications

La karma, c’est l’action. Une action positive engendrera une conséquence positive. Or quand on dit “Oh ! c’est écrit, c’est le karma” on débouche sur un certain fatalisme : cela signifierait que il n’y a rien à faire et qu’on peut baisser les bras. Je vous dirai que ce n’est pas la peine alors de venir dans un cours de yoga puisque par essence le yoga c’est aussi tenter de sortir du samsara, le cycle des renaissances où le karma nous guide. C’est comme dire à quelqu’un qui a peu d’élèves (mon cas) qu’on a les élèves qu’on mérite. Peut être mais j’y vois aussi des raisons objectives : mauvaise publicité, pratique d’un style qui par le nom même n’évoque rien dans l’esprit des Français tant qu’une rock star ne s’y sera pas mise …

A l’opposé de l’inertie, on trouve la pensée néo libérale (que j’ai de plus en plus de mal à supporter) qui pousse à faire toujours plus, plus haut (cf  Trop plein de bien-être ! et épisode du podcast Au fil du Yoga sur la dictature du bien être ). On comprend déjà à demi mot que la juste attitude se placera quelque part vers le milieu.

Le doute

Le doute est un des maux qui nous retient soit au mieux sur place soit nous tire en arrière. Ce doute peut être issu des deux obstacles précédents. Et il s’analysera aussi comme un manque de confiance, cette confiance dans ce que nous faisons, notre quête, de comment nous le faisons, de qui nous sommes. C’est aussi LE super argument commerciale de retraite, formation, cours. Vous redonner confiance, le doute nous empêchant de faire. C’est en partie vrai. Mais l’excès de confiance est aussi à l’origine de l’orgueil et de l’excès tout court. Par exemple quand on débute prof de yoga, on ne sent pas sûr : parce qu’on veut donner un bon cours et qu’il y a des choses qu’on n’ose pas faire. A l’inverse, par excès, certains vont se lancer dans un cours sans tenir compte de leurs élèves. Ou bien balancer des termes en sanskrit pour faire “vrai” sans savoir ce qu’il y a derrière (mon thème favori, le yoga nidra qui est transformé en une basique/banale relaxation). Le doute questionne jusqu’à un certain point et te permet d’évoluer. L’excès de confiance ne te permet plus d’avancer. Se pose alors la question de faut-il tout le temps avancer ? Il y a un moment où quand on est bien, on est installé dans qui l’on est, cette progression deviendra invisible voire minimale. Elle sera toujours là, car notre environnement ne nous permet pas de rester dans un environnement stable qui permette cet équilibre interne, hormis si on va dans un monastère et qu’on s’éloigne du bruit du monde ou bien si l’on devient un Etre Réalisé.

Agir en se détachant des fruits de l'action

Du coup nous tergiversons sans cesse. C’est fatiguant ! Nous ne cessons de nous poser des questions : nous sommes comme paralysés, incapables de quoi que ce soit. Et cela rejoint ce que j’ai dit plus haut. C’est pour cela que beaucoup de professeurs disent d’écouter puis de faire silence. Viendra ce qui viendra. C’est dur à accepter : ne rien faire et s’asseoir. Méditer est le meilleur moyen que je connaisse pour faire partir ces tergiversations, pour amener une plus grande clarté/ clairvoyance. Vous vous souvenez Arjuna sur le Kurukshetra dans la Bhagavad Gita : paralysé, assailli par le doute. Que faire ? Agir en étant détaché des fruits de l’action.

krishna tells gita to arjuna guru

La paresse

La paresse peut naitre des obstacles précédents. On peut aussi se sentir bien en définitive dans une posture où l’on ne se sent pas bien. A se dire que jamais on n’y arrivera, on peut aussi tout abandonner. La stupeur mentale donne à la paresse un goût agréable.

L'attachement

L’attachement aux habitudes naît de la paresse et nourrit la paresse. On se ramollit. C’est assez difficile de savoir à quel moment une habitude nous cloue sur place et nous empêche dans notre évolution, dans notre quête spirituelle. L’attachement est compliqué : on est attaché à sa vie, son confort, sa façon de penser. Cela crée des incertitudes et l’homme n’aime pas l’incertitude. C’est aussi pour cela que l’on aime la permanence. Et pourtant, la seule chose qui est sûre, c’est notre finitude. Le reste n’est pas permanent. L’impermanence n’est pas confortable. Je pense qu’il faut des habitudes, une sadhana, une pratique régulière, car il faut du temps. Par exemple, méditer n’arrive pas comme cela d’un claquement de doigts. Cela suppose la mise en place d’un rythme et d’une certaine “ascèse”. C’est vrai que l’habitude maintient dans un certain train train. Par exemple, on peut se poser la question de la routine “asanas” : faut-il toujours faire les mêmes postures ? Changer ? Des fois oui, des fois non. Chacun va trouver son équilibre. Mon amie Anne fait de l’ashtanga. Par définition, l’ashtanga est une succession de postures qui ne varie pas. Elle y trouve la méditation : son corps sait ce qu’il faut faire. Il n’y a plus de mental. A contrario, pour moi la variété est parfois hyper importante pour dompter mon mental. Et d’autres fois, pas du tout. Mon prof, Rod Stryker, dit qu’il faut faire le même yoga nidra pendant 40 jours consécutifs pour passer à un autre nidra. On pourrait penser que cela crée une habitude : lui y voit justement une façon de se déstructurer pour refonder de bonnes bases.

L'illusion

L’illusion nait de nos envies. Nos actions réalisées sous le joug de nos envies, de nos attachements, réalisées presque inconsciemment, sans retenue ni contrôle créent des samskara (des empreintes quasi mémorielles dans nos cellules et notre énergie) qui nous désorientent. On a alors l’impression que le monde sensible et les expériences qui en relèvent sont l’unique réalité. On en oublie qu’il peut y avoir une réalité au-delà de ce monde. Ce sont alors nos sens et nos émotions qui nous contrôlent et font obstacles à la quête spirituelle en voilant la Réalité. La réalité perçue sera faite de biais issus de notre fabrication mentale.

Le découragement

Le découragement va naitre de notre incapacité à atteindre notre but. Poser un but dans le monde sensitif est bien plus facile à faire que poursuivre une quête spirituelle car il fait s’abandonner à l’inconnu. Et le voyage peut être long avec de nombreux obstacles. Cette inconnue décourage, on se dit qu’on n’y arrivera jamais. On a besoin de points de comparaison pour savoir. Et de fait, c’est cela qu’il faut abandonner. Abandonner l’idée de ce que c’est. Quand je lis des livres ou que j’entends des gens parler de leur chemin, je me dis à chaque fois que c’est merveilleux ce qu’ils vivent, que cela a l’air super facile. Que c’est comme un conte de fée. Des recettes, on en trouve des milliers et pourtant seule la nôtre nous permettra d’avancer (et d’arriver au bout !). Quand vous lisez des trucs sur mon blog qui ressemblent à des trucs sympa à faire du point de vue spirituel, n’y voyez que le récit de ce que je fais moi. Ce n’est pas forcément la bonne recette pour vous. D’ailleurs pour moi, la recette change souvent, au fur et à mesure que je progresse (ou régresse d’une certaine façon). Ne vous découragez si vous comparez ce que vous faites à que je fais (mauvaise idée !) : je suis sûre que je ne parviendrai pas à faire ce que vous faites. Voyez ce blog comme un partage d’expériences. Un partage tout court qui est l’essence affichée par ce blog depuis le tout début. A moi, il me sert de journal de bord où je consigne des trucs appris, des réflexions. Et puis chacun détermine son but. Pour certains ce sera une rencontre avec Dieu, avec l’amour, avec l’ambroisie qui coule du lotus aux mille pétales de notre cerveau, sans vraiment savoir ce que c’est. En fait on a envie d’être réalisé, “illuminé”, sans savoir ce que c’est. Essayez de trouver dans le blog une définition nickel chrome, facile à appréhender de “samadhi”. Je suis incapable de vous en donner une précise. Pourtant je sais que j’ai expérimenté des instants de samadhi. Mais mon ressenti masque déjà la plénitude de ce que c’est et les mots ôtent la saveur même et l’infini palettes de couleur que cela recouvre.

L'inconstance

Du découragement peut naître l’inconstance. La plus simple, celle qui est à la base même de yoga, c’est l’inconstance du mental : citta vrtti. Vous avez 10 000 projets et vous ne les menez pas à bien : c’est l’inconstance. Par exemple, j’ai 4 livres en cours. C’est de l’inconstance. Et je le sens car quand j’y pense je deviens fébrile. Je me mets une pression. Je me dis : pour parler de ça en cours ou sur le blog ou sur le podcast tu dois avoir lu ça. C’est ce que j’ai ressenti l’automne dernier : niveau 2 de Forrest Yoga (où on a une foule de livres à lire et à commenter), initiations et pratiques bouddhistes, le boulot, les cours, la traduction d’Ana Forrest quand elle est venue en France  Le contraire de l’inconstance c’est bien entendu la concentration. Cela vous rappelle quelque chose parmi les étapes de yoga ? Dhyana et dharana. Et puis aussi vayragya et abhyasa.

Ces obstacles recensés par Patanjali vous en entrevoyez déjà les conséquences. mais de cela nous parleront la prochaine fois !

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